Pleine conscience et méditation: cinq témoignages d’un vecteur de changements

Publié le par drboukaram

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Par Fabienne Papin le 8 août 2014 pour L’actualité médicale

Les médecins venus se ressourcer au Spa Eastman à l’invitation de Médecins francophones du Canada et du Centre Épic de l’Institut de cardiologie de Montréal étaient là pour toutes sortes de raisons. Certains étaient venus « pour apprendre à ralentir », « faire comprendre à leur entourage (y compris leurs patients) que c’est utile de prendre du temps pour soi » ou encore pour trouver des trucs afin de «diminuer la culpabilité quand il faut dire non ». D’autres rêvaient plutôt « d’une pause détente », d’un moment à consacrer à leur « mieux-être » ou d’un bon moyen pour « réussir à profiter du temps hors travail ». Enfin, certains avaient des attentes plus précises, comme venir « chercher un équilibre entre le travail et la vie familiale », « développer des stratégies pour être plus présent à soi » ou « atterrir avant de passer à autre chose ».

témoignage 1

Ralentir pour mieux opérer

La Dre Raymonde DeGrâce, anesthésiste à Moncton, n’avait pas franchement d’attente. Elle qui espérait juste se relaxer a pris conscience du fait qu’elle était prête à passer à autre chose dans sa vie. « Je me suis ouverte à toutes sortes d’idées avec notre travail sur la pleine conscience, la méditation, la nutrition et l’exercice, et finalement les choses se sont mises en place », témoigne-t-elle.

De retour au Nouveau-Brunswick, elle a continué à méditer et en a profité pour commencer à initier ses trois enfants à cette pratique. Mais c’est en salle d’opération qu’elle a réalisé le plus de changements. Au moment d’endormir ses patients, elle prend une minute pour leur faire écouter de la musique relaxante et se concentrer sur leur respiration.

Depuis, ils sont plus calmes… et ses collègues aussi ! « Les infirmières me font souvent remarquer que la journée s’est bien passée. C’est sûr que cela dépend aussi du chirurgien avec lequel on est, mais la plupart du temps, c’est plus calme », souligne-t-elle.

Il faut dire que la tranquillité est une denrée rare dans les salles d’opération. Tout le monde s’agite et est concentré sur sa routine, au point d’en oublier que « pour le patient, c’est souvent sa première fois, ou parfois sa deuxième, mais de toute façon une expérience en soi », précise l’anesthésiste.

En donnant « un temps au patient » pendant lequel l’équipe fait attention à faire moins de bruit, à baisser le ton ou à ne pas parler quand ce n’est pas nécessaire, la Dre DeGrâce permet à toute l’équipe de prendre conscience qu’au-delà des automatismes acquis au fil des années, elle est là pour le patient. La journée finit à la même heure, mais l’effet tranquillisant de ces « temps patient » change tout. «Nous sommes beaucoup moins fatigués », précise l’anesthésiste.

Namasté
Une patiente croisée quelque temps après sa chirurgie lui a fait remarquer que sa façon de faire était vraiment différente : « Tu as mis de la musique et tu m’as fait méditer : je me croyais dans un spa ! » luia-t-elle dit.

Au-delà de l’impact de cette expérience sur sa vie personnelle, le médecin a aussi l’impression que c’est toute sa perception de la médecine qui a évolué. « En fait, le colloque m’a fait prendre conscience de l’importance pour chaque personne de prendre sa santé en main. »

À tel point que la Dre DeGrâce a décidé d’approfondir son expérience avec le yoga. En juin, elle commencera donc une formation de professeur de yoga. Ses collègues espèrent déjà qu’elle animera des séances de yoga le matin à l’hôpital.

« Je n’en suis pas encore là, mais je me dis que c’est déjà un changement qu’ils y pensent. »

La Dre DeGrâce n’entend pas abandonner la médecine au profit du yoga. « J’adore ce que je fais et il y a un besoin, mais je le fais de façon différente, je suis plus consciente de la personne derrière le patient, et pas seulement, comme avant, de ses signes vitaux, des médicaments qu’elle prend ou de sa maladie. »

témoignage 2

Se donner le droit de prioriser sa santé et son bien-être
Au cours du colloque, plusieurs médecins ont été marqués par l’atelier de yoga offert par Lyne St-Roch. Cette ancienne athlète et entraîneur a longtemps fait rimer sa vie avec performance, avant de découvrir le yoga, de le pratiquer puis de l’enseigner. En 2001, elle a d’ailleurs fondé un centre de yoga, de mise en forme et de bien-être.

« J’avais déjà fait un petit peu de yoga, mais j’ai beaucoup apprécié l’atelier, comme une prise de conscience au niveau physique », souligne la Dre Myriam Fraser, une chirurgienne orthopédiste de Longueuil.

À la suite du colloque, elle s’est inscrite à des cours et vient juste d’essayer le yoga chaud. « J’ai appris à me garder du temps pour faire du yoga et à ne pas me sentir coupable de me relaxer », note-t-elle.

Convaincue par les bienfaits de l’exercice, après avoir participé à un premier colloque sur le bien-être, elle a organisé l’automne dernier des cours de Zumba Hop dans l’hôpital où elle pratique.

« C’est intéressant de voir qu’il y a plusieurs autres médecins et infirmières à l’hôpital qui sont prêts à faire attention à eux et à en faire une priorité. »

Et si certains de ceux qui semblaient déterminés au début se sont trouvé des excuses pour arrêter, une quinzaine de personnes continuent encore aujourd’hui à danser une fois par semaine.

La Dre Fraser avait aussi profité de certains enseignements du Dr Béliveau, rencontré lors d’un premier colloque sur le bien-être, notamment sur l’importance de s’accorder des pauses.

« Alors que je me sentais coupable de prendre deux ou trois semaines de vacances, le Dr Béliveau, lui, nous disait ‘‘prenez plutôt un mois’’. C’est important de s’arrêter avant de tomber malade ! Et maintenant, quand parfois des collègues font des commentaires, moi je leur dis juste de faire la même chose », raconte-t-elle.

Apprendre et partager
La chirurgienne orthopédiste a aussi mis dans sa salle d’attente plusieurs affiches, données par le Dr Béliveau lors du colloque, avec des messages qu’elle trouvait très beaux, comme « prendre le temps de s’arrêter », « pourquoi aller trop vite », etc.

Plusieurs de ses patients les remarquent, les photographient ou en demandent des photocopies. « Je trouve ça le fun que les patients prennent le temps de les lire et qu’il y en ait qui les apprécient. »

Son bureau étonne d’ailleurs souvent ses patients. Non seulement elle y fait brûler des chandelles pendant les jours de consultation, mais les murs violet et vert avec une frise de chérubins ont de quoi surprendre. Tout comme sa collection d’anges.

« Après la tapisserie de chérubins, certains patients ont commencé à m’offrir des anges en cadeau et, en une dizaine d’années, la collection s’est faite. Tous ces anges ont des significations : l’ange du souvenir, l’ange de la guérison, l’ange de la bonté, l’ange de l’amour, etc. », explique la Dre Fraser

Lors du colloque au spa, la Dre Fraser a découvert des facettes à explorer plus en profondeur, notamment l’importance de la relaxation pour son bien-être et celui de ses proches.

Elle fait ainsi maintenant plus attention à sa respiration et, au lieu de s’énerver comme avant quand un feu de circulation passe au rouge ou qu’il y a un retard pendant l’anesthésie ou la préparation du patient, elle en profite pour « prendre de grandes respirations et se détendre ».

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Savoir s’arrêter

Prendre du temps pour s’arrêter, se détendre ou méditer. Un des beaux cadeaux offerts par le Dr Béliveau à plusieurs médecins.

« Ce n’est pas si difficile que cela de méditer en pleine conscience, c’est tout simple. Mais il faut prendre le temps de le faire… Et cela apporte un grand bien-être », précise la Dre Élaine Paquette.

Le médecin de famille de Saint-Jean-sur-Richelieu sait maintenant quels changements elle veut apporter à sa vie, que ce soit sur le plan nutritionnel, sur le plan de sa santé cardio et mentale, ou encore dans sa pratique.

Si ses conseils aux patients n’ont pas vraiment changé – « Je leur ai toujours parlé de méditation, de cohérence cardiaque, de respirations », indique-t-elle –, la Dr Paquette essaie cependant d’être « plus présente » avec ses patients, de « prendre plus de plaisir » à les rencontrer.

Parfois, il suffit aussi juste d’apprendre ou de réapprendre à savourer les petits plaisirs de la vie et de décider de ne plus s’enfoncer dans une spirale consumériste.

« J’ai décidé de prendre le temps d’arrêter, de prendre le temps de respirer, d’avoir des petits plaisirs simples : lire, observer les oiseaux autour de la maison… Des choses simples et pas trop dispendieuses », précise la Dre Paquette. Bref, pas forcément des changements drastiques, mais mieux établir ses priorités et « faire plus ce que j’aime vraiment ».

Comme plusieurs de ses collègues, la Dre Isabelle Marquis, de Sherbrooke, a retenu en écoutant le Dr Béliveau qu’en étant « plus disponible et plus empathique » envers elle-même, elle peut aussi l’être davantage envers ses patients. Deux mois après sa participation au colloque, elle s’évertue donc à continuer de prendre du temps pour elle, ce qui lui permet de réaliser « une meilleure gestion de la fébrilité ambiante ».

La Dre Marquis a aussi décidé de se lancer dans la chasse aux sucres « omniprésents », pour reprendre les termes du Dr Juneau. « Je fais plus attention aux signaux de satiété, dit-elle et j’ai définitivement réduit lesdits sucres… »

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La marche : une forme de pleine conscience
La Dre Michelle Dansereau, médecin de famille au CSSS Antoine-Labelle, de Mont-Laurier, est une habituée des colloques Bien-être de Médecins francophones du Canada. Elle avait déjà participé à deux éditions organisées avec le Centre Épic, ce qui lui avait surtout fait prendre conscience de l’importance de l’exercice et d’une saine alimentation.

« C’est sûr que quand tu vas là, tu as déjà un certain intérêt. Mais cela fait un bon petit rappel et il y a aussi toujours un côté scientifique. » Ce genre de colloque est donc pour elle une bonne façon d’être sensibilisée aux effets d’une vie personnelle saine sur la qualité de vie en général et sur sa pratique.

« À la suite de ces premiers colloques, j’ai fait plus attention à mon poids et cela m’a permis de me mettre en forme. Cela avait aussi été une bonne préparation pour mes voyages à Compostelle. »

La Dre Dansereau a fait deux périples de marche en 2009 et 2011, la première fois entre Le Puy-enVelay et Roncevaux, puis la deuxième, de Roncevaux à Saint-Jacques de Compostelle. Une pause de plus de six semaines à chaque fois et des centaines de kilomètres (1500 au total !) parcourus seule, à pied. Toute une expérience pour une femme qui ne s’était jamais permis plus de deux ou trois semaines de congés d’affilée depuis ses maternités !

« C’est maintenant que je réalise que cette randonnée était surtout une très longue session de pleine conscience qui continue encore de me faire du bien », explique-t-elle. Car même si la Dre Dansereau est une habituée de la marche et des randonnées en tout genre – elle fait d’ailleurs partie de la Fédération de marche du Québec –, Compostelle est quand même différent.

« Cela continue d’être présent en moi, même si mon dernier voyage remonte à plus de deux ans. J’ai encore l’impression d’être dans une pause, une halte en attendant de repartir dans le même esprit », précise-t-elle.

Elle entend d’ailleurs retourner sur les chemins de Compostelle. Elle planifie en effet un nouveau voyage en juin 2016 avec son conjoint, pour découvrir une autre route, celle qui part d’Arles.

Car, au-delà du grand sentiment de liberté qu’une telle expérience apporte – plus de famille, d’enfants, de patients, d’ouvrage ou d’horaire, etc. à prendre en compte dans son quotidien ! – « cela change la façon d’être ».

Un état d’esprit que le médecin de famille a retrouvé pendant le colloque au spa Eastman. Elle « flirtait » justement avec l’idée d’ajouter un peu de méditation ou de pratique de la pleine conscience à son quotidien et, comme c’était l’un des axes du programme, cela tombait bien.

« C’est un aspect que nous n’explorons pas assez comme humains en général et comme médecins en particulier. » Et même si elle avait déjà lu plusieurs livres sur ce sujet, c’est le colloque qui a servi de révélateur pour qu’elle intègre dans sa vie des périodes d’arrêt, plusieurs fois par semaine. Un peu comme avec l’entraînement, au fil des semaines, c’est devenu une habitude dont elle a besoin pour se sentir bien.

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Manger mieux

Le Dr Luc Laurin, médecin de famille à Mont-Laurier, est un des habitués des colloques sur le bien-être des médecins organisés par Médecins francophones du Canada avec le Centre ÉPIC de l’Institut de cardiologie de Montréal.

Membre du comité scientifique de ces colloques, il a adopté depuis plusieurs années une alimentation saine et s’adonne régulièrement à la méditation.

Il est revenu du colloque 2014, emballé, de même que sa femme, par la découverte de l’alimentation hypotoxique, mise de l’avant dans les cuisines du spa Eastman. « Ça ressemble à la diète méditerranéenne, mais en un peu plus agressif. Nous avons acheté un livre là-dessus au spa et nous utilisons maintenant beaucoup de recettes de ce type-là », explique-t-il.

Il a hâte de voir à quels résultats aboutira l’ICM, qui veut monter une expérience avec des patients coronariens pour vérifier si oui ou non ce régime a bien un effet anti-inflammatoire. Sa femme et lui ont surtout noté une augmentation de la diurèse, sans savoir si c’est parce que ce régime a un effet diurétique ou un effet sur la rétention du sel. Et tout comme il s’était mis à recommander à ses patients la diète méditerranéenne quand il l’avait adoptée, il conseille maintenant à ces derniers de se pencher sur ce régime.

Le Dr Laurin s’est aussi senti interpellé par le yoga méditatif et aurait aimé pouvoir en apprendre un peu plus dans ce domaine. « C’était une expérience chaleureuse, mais j’aurais aimé que ce soit plus long. Même chose avec la marche méditative qui a été le fun, mais que j’aurais aimé expérimenter plus longtemps », commente le Dr Laurin.

Cela arrivera peut-être bientôt, car le médecin essaie de doter Ferme-Neuve, où il habite, d’un parcours de marche méditative. « J’ai rencontré le conseil municipal afin de voir, avec le développement stratégique des gens du troisième âge, comment développer des endroits pour faire de la marche méditative », précise t-il. Une initiative qui a conduit à la création d’un comité de travail sur le sujet, ce qui laisse présager un suivi positif à court terme.

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