Apprendre la collaboration interprofessionnelle sur les bancs d’école

23655643_sPar David Paré le 3 janvier 2014
Professionsanté.ca

Depuis quelques années, la collaboration entre les diverses professions de santé s’est accentuée. Que ce soit par l’émergence des rencontres Multi, la création de polycliniques ou par le martèlement de l’importance des compétences CanMeds (Collaborateur dans ce cas-ci), nous sommes de plus en plus exposés au fait qu’il faille travailler en équipe et sortir de notre silo. Et il s’agit de toute évidence d’une bonne chose.

Au cours du cursus d’études médicales actuel, nous sommes appelés à simuler des rencontres Multi avec nos collègues étudiants des autres départements de santé. L’idée est, j’imagine, de nous inculquer le plus précocement possible l’importance des ressources qui nous entourent en tant que futurs médecins.

Je suis sans hésitation en accord avec cette idée. D’ailleurs, les personnes responsables de ce programme sont des gens passionnés qui ont l’interdisciplinarité à cœur. Ils sont même capables de justifier leur position à l’aide d’études scientifiques béton. Néanmoins, je déplore ce que je vois en réalité.

Les simulations auxquelles les étudiants en médecine sont exposés arrivent à mon avis trop tôt au cours de leur formation (et au cours de celle de nos autres collègues en santé). D’abord, plusieurs futurs professionnels n’en sont qu’à leurs premiers balbutiements dans leur propre profession, alors cela revient à leur demander de connaître le rôle qu’ils auront à jouer sans qu’ils ne sachent encore ce qu’est leur profession.

Mais je m’interroge encore davantage sur ce qui ressort de tout ça. Après trois activités de ce type, je dois avouer que je ne me considère pas davantage outillé pour préparer ces rencontres lors de ma pratique future. Les multiples travaux lourds et vides de sens qui sont imposés et qui, par manque d’intérêt, sont faits en accélérés (s’ils sont faits) par la majorité des étudiants sont certes une des sources du problème.

Cependant, je crois que le vif du problème est, qu’en toute honnêteté, malgré ces multiples activités, je n’ai toujours aucune idée du rôle que peut jouer un ergothérapeute dans un contexte de santé mentale.

Ou encore: qui dois-je consulter entre un orthophoniste ou un nutritionniste en cas de dysphagie? Et la réponse à cette problématique est simple: nous n’avons qu’une piètre idée de la pratique réelle et du contenu de la formation des autres professionnels en santé.

Ainsi, je suggèrerais une nouvelle formule pour mieux préparer nos futurs médecins. Dès l’année préparatoire, nous devrions être obligés d’effectuer des stages d’une journée pour découvrir l’univers de la santé. Par exemple, une journée entière à côtoyer les préposés aux bénéficiaires, voire même les brancardiers, nous éclairerait sur leur réalité.

Ensuite, au lieu de marteler à l’aide de présentations magistrales que l’interdisciplinarité est importante, on ferait en sorte que chaque année d’études médicales suivantes contiennent une journée d’observation avec les différents intervenants en santé, incluant de toute évidence ceux qui exercent plutôt au niveau des sciences humaines, comme les travailleurs sociaux.

Avec cette approche, je me sentirais d’abord mieux outillé pour demander de l’aide aux pharmaciens à l’hôpital, par exemple, et je pourrais probablement éviter plus souvent les requêtes inutiles lors des changements de quarts de travail des infirmiers.

J’ai une autre crainte relative à l’apprentissage de la multidisciplinarité sur les bancs d’école, c’est celle de voir le phénomène que j’appellerai «dumping» prendre place dans nos pratiques.

Le médecin n’est certes pas un expert en nutrition et en activité physique (à tout le moins, la grande majorité d’entre nous). Nous avons néanmoins des fondements importants à ce sujet.

Ce que j’ai remarqué à présent dans les milieux, c’est la tendance à se débarrasser trop facilement de certains des problèmes de nos patients. On demande une consultation en nutrition et vlan, on est persuadé qu’on a résolu le problème.

Le brillant article, publié sur Profession Santé le 3 décembre et qui cite le Dr Juneau sur l’importance des changements dans nos habitudes de vie, donne un exemple flagrant de ce que je tente de souligner ici.

«Les préjugés sont forts. Nombre de médecins sont persuadés qu’il est impossible de faire changer les habitudes de vie de leurs patients. Or, pour le Dr Juneau, le meilleur moyen de convaincre quelqu’un est de vraiment croire à ce qu’on lui dit.»

En tant que médecin, notre rôle n’est, à mon avis, pas seulement de convaincre notre patient d’adhérer à de bonnes habitudes de vie. Il faut aussi l’accompagner dans ce cheminement. Pour ce faire, référer à d’autres professionnels n’est pas l’unique solution. Commençons par croire nous-mêmes à ces bienfaits, instruisons-nous auprès des autres intervenants en santé et, ensuite, nous serons des vecteurs de changements pour nos patients.

Vous n’y croyez pas? Pensez à n’importe quelle conférence où vous avez entendu parler quelqu’un de passionné et de convaincu par ce qu’il prônait et vous vous souviendrez que cela change votre perception.

De mon côté, je me souviens d’un médecin qui affirmait sur tous les toits que l’intubation éveillée ne devrait pas être crainte puisqu’elle peut être effectuée sans aucun inconfort. Et pour prouver son point, ce médecin le démontre en temps réel chaque année devant ses étudiants… en s’intubant lui-même devant son assistance… Convaincant, non?

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