Le yoga thérapeutique
Par la Dre Andréanne Côté* le 30 décembre 2010 pour L’Actualité Médicale
Le yoga est une tradition millénaire née dans la vallée de l’Indus au temps des Védas. En effet, des traces laissées par les civilisations aryennes laissent croire que le yoga se pratique depuis plus de 3000 ans. Les plus anciennes écritures à son sujet datent du deuxième siècle av. J-C.1i.
Au-delà de l’activité physique qu’il représente, le yoga est une philosophie, un mode de vie. Il comprend un ensemble de postures physiques passives et/ou actives (asana), des exercices respiratoires et une prise de conscience du souffle (pranayama), une période de relaxation (samadhi) et une période de méditation (dhyana). De façon plus globale, le yoga comprend et vise l’ascèse morale pouvant s’exprimer à des degrés divers par des exercices spirituels, par l’abstention de plaisirs purement hédonistes, par un mode de vie austère.
Le yoga est une pratique qui s’adapte aux caractéristiques des pratiquants et à leurs besoins. Il fait partie des 10 modalités thérapeutiques complémentaires les plus utilisées par les Américains et cette utilisation ne cesse de croîtreii. Il peut être doux et reposant, ou très exigeant. Dans tous les cas, la condition physique du yogi s’améliore en termes de souplesse, de force et d’équilibre. Sa capacité de concentration est également décuplée. Le yoga permet d’inculquer au pratiquant une discipline, une rigueur. Il lui apprend le lâcher-prise tout en lui permettant d’exercer un contrôle sur sa propre existence. Il est aussi question d’impermanence dans le yoga. En effet, l’inconfort ressenti lors de certaines postures ne dure pas. Il s’estompe quelques secondes après avoir relâché la pose, laissant place à une sensation plaisante de chaleur.
L’engouement pour le yoga, de même que l’intérêt général pour les traditions orientales, connaît une croissance importante. Certes, cette ouverture s’explique par les échanges grandissants entre l’Orient et l’Occident. Toutefois, au-delà d’une exposition plus grande, cet état de fait résulte d’un besoin qui, de toute évidence, n’a pu être comblé à l’ère de la modernité. Ce besoin est intimement lié à la quête de sens.
Effets du yoga sur certaines maladies chroniques
La section suivante tend à démontrer que les effets du yoga s’appuient sur des données probantes, confirmant l’intuition des grands maîtres qui utilisent ces approches complémentaires depuis des millénaires. Les études présentées ne sont que quelques exemples parmi une liste beaucoup plus longue de bienfaits potentiels.
Hypertension artérielle
Plusieurs études s’intéressent à l’effet du yoga sur la maîtrise de la tension artérielle. Déjà en 1975, The Lancet publie une étude randomisée et contrôlée soumettant des patients hypertendus à un programme de yoga de six semaines. Les diminutions des pressions artérielles systolique et diastolique de l’ordre de 20 mm Hg sont jugées hautement significatives. De telles valeurs sont d’ailleurs comparables aux résultats obtenus par les approches pharmacologiquesiii.
Plus tard, en 2002, une étude indienne s’intéresse à l’effet du yoga sur la physiologie, le bien-être psychologique et la modification des paramètres impliqués dans le calcul du risque cardiovasculaire d’un groupe de patients hypertendus. Les résultats montrent une diminution de la tension artérielle, du taux de glycémie, du taux de cholestérol et des triglycérides sanguins. Les auteurs suggèrent qu’une diminution de l’activité sympathique puisse être en cause, étant donné la diminution des taux de catécholamines mesurésiv.
Asthme
De nombreuses publications portent sur l’impact que peut avoir le yoga dans la maîtrise de l’asthme. L’une d’elles, publiée en 2009 dans le BMC Pulmonary Medicine, rapporte les résultats forts encourageants d’une étude randomisée et contrôlée effectuée sur une population d’adultes souffrant d’asthme léger à modéré. Au terme d’un programme de yoga d’une durée de huit semaines, on parvient à démontrer une amélioration significative de la fonction pulmonaire, une réduction de l’activité bronchospastique liée à l’exercice physique, une diminution de l’usage de bronchodilatateurs d’urgence, de même qu’une amélioration de la qualité de vie en regard de l’échelle AQOL, échelle reconnue parmi cette population. Les mécanismes physiologiques susceptibles d’expliquer ces résultats demeurent encore imprécis.
Lombalgie
Quelques études s’attardent aux bienfaits du yoga dans le traitement des lombalgies. Une étude randomisée et contrôlée comparant un programme de 12 semaines de yoga avec un programme d’exercices physiques s’appuyant sur un document remis aux participants a été réalisée. La première intervention s’est avérée supérieure à la seconde en ce qui concerne les limitations fonctionnelles et le niveau de douleur. Le bénéfice semble persister dans le temps.
Un programme de yoga de type Iyengar s’échelonnant sur 16 semaines montre des résultats similaires. Une diminution significative des limitations fonctionnelles, de l’intensité de la douleur, de l’utilisation de médicaments, est observée dans le groupe à l’étude par rapport au groupe témoin. Cet effet se maintient encore après trois mois.
Dépression
En 2007, une étude cherche à évaluer l’effet du yoga sur une population de patients atteints de dépression majeure qui, malgré la prise d’un antidépresseur, souffrent de symptômes dépressifs résiduels. L’intervention étudiée comprend 20 séances de yoga s’échelonnant sur une période de 8 semaines. Parmi les 37 sujets recrutés, 17 ont complété toutes les étapes du protocole. En plus de l’amélioration de l’humeur après chaque séance, on observe, au terme de l’intervention, une diminution significative des symptômes dépressifs, des symptômes anxieux et du sentiment de colère. Onze des 17 sujets ont connu une rémission complète de l’épisode dépressif. Les auteurs demeurent toutefois prudents quant à l’interprétation de cette dernière trouvaille en l’absence de groupe témoin. De plus, le groupe ayant connu une rémission complète diffère des non-répondeurs en regard de certains traits psychologiques initiaux, laissant présager une meilleure capacité à la régulation émotionnelle.
En conclusion, le yoga thérapeutique est certainement une avenue intéressante en complément aux traitements en vigueur dans plusieurs pathologies chroniques. Son rapport coût-bénéfice est avantageux et ses effets secondaires sont, en pratique, inexistants. C’est dans la valorisation d’une approche multidisciplinaire intégrant des disciplines complémentaires et alternatives que se trouve la clé d’une meilleure médecine, une médecine qui place au cœur de ses préoccupations le patient et son bien-être, dans ses composantes tant physique, psychologique, sociale que spirituelle.
* Médecin de famille en voie de compléter une année supplémentaire de formation en médecine palliative à l’Université de Montréal.
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Ping : Article du Docteur Boukaram, Oncologue