Le cancer, comme maladie chronique, risque de ruiner l’État et les citoyens?
Par Michel Dongois le 28 mai 2014
Symposium Assurance et cancer: sommes-nous à la croisée des chemins?
Le cancer devenant une maladie chronique en expansion, notre système de santé aura-t-il les moyens financiers de l’assumer? Le récent symposium Assurance et cancer : sommes-nous à la croisée des chemins? a posé la question. La réponse quant à la capacité d’y faire face au plan financier semble plutôt négative.
Près de 900 000 Canadiens vivent avec un cancer diagnostiqué dans la dernière décennie, selon Statistique Canada. Or, un grand nombre d’entre eux sont devenus «non assurables». Et l’étiquette de non assurabilité entraîne aussi, par ricochet, un fardeau porté par les proches aidants, a-t-on indiqué lors de la rencontre, récemment organisée à Montréal par la Coalition Priorité Cancer au Québec.
Une maladie chronique
Moins de 20% des Québécois disposent d’une assurance personnelle ou collective pour assumer les coûts d’un cancer, note Nathalie Rodrigue, présidente de la Coalition. «C’est la première fois que les régimes d’assurance privée et publique vont devoir faire face aussi massivement à une maladie.» Une pathologie que l’Organisation mondiale de la santé, le MSSS et Santé Canada qualifient désormais de chronique, avec un diagnostic souvent plus précoce et un traitement souvent plus spécifique.
Sollicité pour tout couvrir, l’État québécois a pris diverses mesures qui ont eu pour conséquences, poursuit Nathalie Rodrigue, de transférer une part grandissante du coût des services de santé du secteur public vers le secteur privé, notamment les assureurs et les particuliers. «Dans les dernières années, c’est le cas, entre autres, des médicaments, de plusieurs examens diagnostiques et même de certains services médicaux.»
Jeunes adultes
La Coalition a tenu une séance de réflexion sur le cancer chez les jeunes adultes (18-39 ans). Elle a montré la grande fragilité et la vulnérabilité financière qui planent sur eux et leurs familles pour le reste de leurs jours : employabilité plus ardue, difficulté d’emprunter, aide financière de l’État inadaptée à leur situation. Affronter le cancer revient, en moyenne, à environ 33 000 $ annuels par famille, selon
l’économiste Pierre Boucher, qui a mené une étude à la demande de la Coalition. Si bien, résume cette dernière, que composer avec le cancer est devenu pour beaucoup de malades «un combat extrême».
Combat extrême, car souvent, plus la santé s’améliore, plus les finances, elles, tendent à se détériorer. «Je dois d’abord mettre mon énergie à combattre la maladie et, seulement ensuite, tout ce qui en découle, dont les soucis financiers. Où la maladie va-t-elle me mener ? Vais-je survivre et dans quel état?», demande Dominique Sigouin, survivante du cancer. Arrêtons de nous fier à l’État, dit-elle, car l’État est lui-même malade et les finances publiques sont aux soins palliatifs. Cette femme a témoigné que le rétablissement du patient peut être fortement perturbé par le stress financier durant sa convalescence.
Comment planifier sa vie avec un diagnostic de cancer? «D’abord, évitons les décisions précipitées. Il faut aussi prévoir que si le traitement peut être efficace, il comporte parfois bien des séquelles. La période post-traitement est tout aussi cruciale que le traitement lui-même», résume Valérie Hamel, conseillère principale «Cancer, j’écoute» à la Société canadienne du cancer.
Travail et oncologues
Les conséquences des traitements peuvent aussi rendre la personne malade inapte à retourner au travail, a-t-elle fait observer. À ce sujet, le symposium plaide pour une plus grande compréhension de la part des oncologues. Ainsi faut-il décortiquer à leur intention une journée-type d’un malade et la leur expliquer clairement, afin que ces médecins saisissent bien ce que signifie et ce qu’implique, pour un patient, le retour au travail. L’absentéisme et le présentéisme à l’emploi doivent aussi être pris en compte pour celui qui doit s’occuper d’un proche souffrant d’un grave problème de santé.
La notion d’employabilité chez un patient atteint de cancer a d’ailleurs fait l’objet de bien des discussions. Il faut en effet revoir la place de l’examen médical dans le processus d’embauche, lorsqu’une lettre du médecin certifie que la personne a une limitation fonctionnelle. Cet examen médical, il faut y recourir quand le candidat a une promesse ferme d’embauche, car l’examen doit être lié à un emploi précis. En effet, a-t-on insisté, le questionnaire médical pré-embauche ne saurait en aucun cas tenir lieu de bilan de santé pour établir l’éligibilité à une assurance.
Déclencheurs
Le symposium a pris acte des réalités que va entraîner la hausse des cas de cancer au Québec. «Que les statistiques ne soient pas paralysantes, mais qu’elles nous servent plutôt de déclencheurs», a indiqué l’économiste Pierre Boucher. Il a conclu que l’inertie des pouvoirs publics à prendre des décisions énergiques risque d’entraîner l’effondrement probable du système de santé. Pierre Boucher fondait son propos sur l’étude du Collectif pour un Québec sans pauvreté (menée avec l’ancien ministre des finances Nicolas Marceau, en 2005). Le Collectif prévoyait en effet que si la situation restait en l’état, le système de santé allait ressembler, vers 2024-2034, au réseau routier actuel, déjà en piteux état.
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